martes, 8 de octubre de 2013

Edmond Jabès



Soy un silencioso. Me pregunto, gracias a la distancia que tomo, ahora, de mi vida, si este gusto pronunciado por el silencio no tiene su origen en la dificultad que, desde siempre, fue mía,  la de sentirme de algún lugar.

Antes de conocer el desierto, sabía que era mi universo. Sólo la arena puede acompañar una palabra muda hasta el horizonte.

Escribir sobre la arena, a la escucha de una voz de otro tiempo, abolidos los límites. Voz violenta del viento o, inmóvil, del aire, esta voz le sostiene la mirada. Le anuncia lo que lo agrede o aplasta. Voz de las abisales profundidades de las que usted sólo es el ruido ininteligible; la sonora o inaudible presencia.

Si le hiciera falta una imagen a la Nada, la arena nos la procuraría.


Polvo de nuestras ataduras. Desierto de nuestros destinos.


                                                                     

Je suis un silencieux. Je me demande, grâce au recul que je prends, maintenant, avec ma vie,
si ce goût prononcé pour le silence n’a pas son origine dans la difficulté qui, de tout temps,
fut la mienne, de me sentir d’un quelconque lieu.

Avant de connaître le désert, je savais qu’il était mon univers. Seul le sable peut accompagner
une parole muette jusqu’à l’horizon.

Écrire sur le sable, à l’écoute d’une voix d’outre-temps, les limites abolies. Voix violente du vent ou, immobile, de l’air, cette voix vous tient tête. Ce qu’elle annonce est ce qui vous agresse ou écrase. Parole des abyssales profondeurs dont vous n’êtes que l’inintelligible bruit ; la sonore ou l’inaudible présence.

S’il fallait une image au Rien, le sable nous la fournirait.

Poussière de nos liens. Désert de nos destins.



                                                           


Tenía – le parecía – mil cosas para decir
a esas palabras que no decían nada;
que esperaban, alineadas;
a esas palabras clandestinas,
sin pasado ni destino.
Y eso lo perturbaba infinitamente;
al punto de no tener, él mismo, nada más para decir,
otra vez, otra vez.




Il avait – lui semblait-il – mille choses à dire
à ces mots qui ne disaient rien ;
qui attendaient, alignés ;
à ces mots clandestins,
sans passé ni destin.
Et cela le troublait infiniment ;
au point de n’avoir, lui-même, plus rien à dire,
déjà, déjà.






Canción del extranjero

Estoy en busca
de un hombre que no conozco,
que jamás fue tan yo mismo
como desde que lo busco.
¿Acaso tiene mis ojos, mis manos
y todos esos pensamientos semejantes
 a las ruinas de ese tiempo?
Temporada de los mil naufragios,
el mar deja de ser el mar
transformado en agua helada de las tumbas.
Pero, más lejos, ¿quién sabe más lejos?
Una niña canta sin ganas
y reina la noche sobre los árboles,
pastora entre las ovejas.
Arranca la sed al grano de sal
que ninguna bebida calme la sed.
Con las piedras, un mundo se atormenta
de ser, como yo, de ningún sitio.




Chanson de l’étranger

Je suis à la recherche
d’un homme que je ne connais pas,
qui jamais ne fut tant moi-même
que depuis que je le cherche.
A-t-il mes yeux, mes mains
et toutes ces pensées pareilles
aux épaves de ce temps ?
Saison des mille naufrages,
la mer cesse d’être la mer
devenue l’eau glacée des tombes.
Mais, plus loin, qui sait plus loin ?
Une fillette chante à reculons
et règne la nuit sur les arbres,
bergère au milieu des moutons.
Arrachez la soif au grain de sel
qu’aucune boisson ne désaltère.
Avec les pierres, un monde se ronge
d’être, comme moi, de nulle part.






Abandoné una tierra que no era la mía,
por otra, que tampoco lo es.
Me refugié en un vocablo de tinta, que tenía al libro por espacio
Palabra de ningún sitio, siendo aquella oscura del desierto
No me cubrí  durante la noche.
No me protegí  del sol.
Caminé desnudo.
De donde venía no había más sentido.
Donde iba a nadie preocupaba.
Del viento, le digo, del viento.
Y un poco de arena en el viento.




J’ai quitté une terre qui n’était pas la mienne,
pour une autre, qui non plus, ne l’est pas.
Je me suis réfugié dans un vocable d’encre, ayant le livre pour espace,
parole de nulle part, étant celle obscure du désert.
Je ne me suis pas couvert la nuit.
Je ne me suis point protégé du soleil.
J’ai marché nu.
D’où je venais n’avait plus de sens.
Où j’allais n’inquiétait personne.
Du vent, vous dis-je, du vent.
Et un peu de sable dans le vent.



Edmond Jabès - Egipto, El Cairo, 1912-París, Francia, 1991

                                                         Traducción de Carolina Massola
    

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