Rimbaud -15 años /Collage Ernest Pignon |
—He aquí una
prosa sobre el futuro de la poesía— Toda poesía antigua conduce a la poesía
griega, Vida armoniosa. — Desde Grecia hasta el movimiento romántico, — hay
letrados, versificadores. De Ennio a Theroldus, de Theroldus a Casimir
Delavigne, todo es prosa rimada, un juego, decaimiento y gloria de innumerables
generaciones de idiotas: Racine es el puro, el fuerte, el grande. — le hubiesen
soplado en sus rimas, revuelto sus hemistiquios, el Divino Tonto sería hoy tan
ignorado como cualquier primer autor de Orígenes.
—Después de Racine, el juego se descompone. Duró dos mil años.
Ni
broma ni paradoja. La razón me inspira más certezas sobre el tema que ataques
de ira tuvo jamás un Joven-Francia. En cuanto al resto, ¡que los nuevos sean libres de aborrecer a los
ancestros! Uno está en su casa y es dueño de su tiempo.
Nunca se juzgó bien el
romanticismo. ¿Quién lo habría juzgado? ¿Los críticos? ¿Los románticos, que tan
bien demuestran que la canción es tan pocas veces la obra, es decir: el
pensamiento cantado y comprendido del cantante?
Pues
Yo es otro. Si el cobre amanece en forma de clarín no es su culpa. Me resulta
evidente: Asisto a la eclosión de mi pensamiento, lo miro, lo escucho. Lanzo un
golpe de arco, la sinfonía se remueve en las profundidades o de un salto entra
en escena.
¡Si los viejos imbéciles no
hubieran descubierto del yo solamente el falso significado, no tendríamos que
barrer estos millones de esqueletos que, desde un tiempo infinito, acumularon
los productos de sus tuertas inteligencias,
proclamándose sus autores!
En
Grecia, dije, versos y liras marcan el ritmo de la Acción. Luego, música y rimas son juegos, esparcimientos. El
estudio de ese pasado hechiza a los curiosos: varios se contentan con renovar
estas antigüedades: —es para ellos. La inteligencia universal siempre arrojó sus
ideas, espontáneamente; los hombres recogían una parte de esos frutos del
cerebro: se actuaba en consecuencia, se escribía libros a partir de ello: así
se desarrollaba todo, el hombre no se trabajaba, no estaba aún despierto o no
todavía a la plenitud del gran sueño. Funcionarios, escritores: autor, creador,
poeta, ¡ese hombre nunca existió!
La
primera observación del hombre que quiere ser poeta es su propio conocimiento,
completo; busca su alma, la examina, la pone a prueba, se la aprende. Apenas la
sabe debe cultivarla, esto parece simple: en todo cerebro se lleva a cabo un
desarrollo natural; tantos egoístas se proclaman autores; ¡y muchos otros se
atribuyen su progreso intelectual! —Pero se trata de hacer monstruosa el alma: ¡como
los comprachicos! Imagine un hombre que se implanta y se cultiva verrugas en el
rostro.
Yo
digo que hay que ser vidente, hacerse
vidente.
El
Poeta se hace vidente a través de un
largo, inmenso y razonado desarreglo
de todos los sentidos. Él mismo busca
todas las formas de amor, de sufrimiento, de locura, agota en él todos los
venenos, para quedarse solamente con las quintaesencias. Inefable tortura en la
que necesita de toda la fe, de toda la fuerza sobrehumana donde se convierte,
entre todos, en el gran enfermo, en el gran criminal, en el gran maldito, — ¡y en el supremo
Sabio! — ¡Porque llega a lo desconocido! ¡Dado que cultivó su alma, ya rica,
más que nadie! Llega a lo desconocido y aún cuando, enloquecido, terminara
perdiendo la capacidad de comprender sus visiones, ¡ya las vio! ¡Que reviente
el poeta en cada salto en busca de cosas inauditas e innombrables: otros
horribles trabajadores vendrán y comenzarán por los horizontes en los que el
otro se desplomó!
Arthur Rimbaud, un fragmento de Cartas del Vidente, Traducción Carolina Massola
—Voici de la prose sur l’avenir de la poésie—
Toute poésie antique aboutit à la poésie grecque, Vie harmonieuse. — De la
Grèce au mouvement romantique, — moyen âge, —il y a des lettrés, des
versificateurs. D’Ennius à Theroldus, de Theroldus à Casimir Delavigne, tout es
prose rimée, un jeu, avachissement et gloire d’innombrables générations
idiotes : Racine est le pur, le fort, le grand. — On eût soufflé sur ses
rimes, brouillé ses hémistiches, que le Divin Sot serait aujourd’hui aussi
ignoré que le premier venu auteur d’Origines.
—Après Racine, le jeu moisit. Il a duré deux mille ans.
Ni plaisanterie, ni paradoxe. La raison m’inspire
plus de certitudes sur le sujet que n’aurait jamais eu de colères un
Jeune-France. Du reste, libre aux nouveaux !
d’exécrer les ancêtres : on est chez soi et l’on a le temps.
On n’a jamais bien jugé le romantisme. Qui
l’aurait jugé ? Les critiques ! Les romantiques, qui prouvent si bien
que la chanson est si peu souvent l’œuvre, c’est-à-dire la pensée chantée et comprise du chanteur ?
Car Je est un autre. Si le cuivre s’éveille
clairon, il n’y a rien de sa faute. Cela m’est évident : j’assiste à
l’éclosion de ma pensée : je la regarde, je l’écoute : je lance un
coup d’archet : la symphonie fait son remuement dans les profondeurs, ou
vient d’un bond sur la scène.
Si les vieux imbéciles n’avaient pas trouvé du moi
que la signification fausse, nous n’aurions pas à balayer ces millions de
squelettes qui, depuis un temps infini, ont accumulé les produits de leur intelligence borgnesse, en s’en clamant les auteurs !
En Grèce, ai-je dit,
vers et lyres rythment l’Action.
Après, musique et rimes sont jeux, délassements. L’étude de ce passé charme les
curieux : plusieurs s’éjouissent à renouveler ces antiquités : —c’est
pour eux. L’intelligence universelle a toujours jeté ses idées, naturellement ;
les hommes ramassaient une partie de ces fruits du cerveau : on agissait
par, on en écrivait des livres : telle allait la marche, l’homme ne se
travaillant pas, n’étant pas encore eveillé, ou pas encore dans la plenitude du
grand songe. Des fonctionnaires, des écrivains : auteur, créateur, poète,
cet homme n’a jamais existé !
La première étude de
l’homme qui veut être poète est sa propre connaissance, entière ; il
cherche son âme, il l’inspecte, il la tente, l’apprend. Dès qu’il la sait, il
doit la cultiver ; cela semble simple : en tout cerveau s’accomplit
un developpement naturel ; tant d’égoïstes
se proclament auteurs ; il en est bien d’autres qui s’attribuent leur
progrès intellectuel ! —Mais il s’agit de faire l’âme monstreuse : à
l’instar des comprachicos, quoi ! Imaginez un homme s’implantant et su
cultivant des verrues sur le visage.
Je dis qu’il faut être
voyant, se faire voyant.
Le Poète se fait voyant par un long, immense et raisonne dérèglement de tous les sens. Toutes les formes d’amour, de souffrance, de
folie ; il cherche lui-même, il épuise en lui tous les poisons, pour n’en
garder que les quintessences. Ineffable torture où il a besoin de toute la foi,
de toute la force surhumaine où il devient entre tous le grand malade, le grand
criminel, le grand maudit, — et le suprême Savant ! —
Car il arrive à l’inconnu ! Puisqu’il a cultivé son âme, déjà riche, plus
qu’aucun ! Il arrive à l’inconnu, et quand, affolé, il finirait par perdre
l’intelligence de ses visions, il les a vues ! Qu’il crève dans son
bondissement par les choses inouïes et innommables : viendront d’autres
horribles travailleurs ; ils commenceront par les horizons où l’autre
s’est affaissé !
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